Les clés de la réussite de l’éducation artistique et culturelle

François Deschamps

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Les clés de la réussite de l’éducation artistique et culturelle

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Dans un contexte de fort changement institutionnel, il faut faire confiance à l’énergie et au savoir-faire des acteurs de terrain. C’est le fondement nécessaire à la réussite des ambitieux projets d’éducation artistique et culturelle.

Depuis la fin des années soixante-dix, les projets se sont multipliés en matière d’éducation artistique et culturelle. Les retours d’expérience des enseignants, artistes, médiateurs, des jeunes eux-mêmes, ainsi que des recherches universitaires, ont montré tous les bienfaits que pouvaient avoir des projets d’éducation artistique et culturelle (EAC) sur l’ouverture d’esprit et l’épanouissement individuel et collectif des personnes concernées.

Des avancées… et des manques

Les collectivités comme les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale s’en sont saisis et ont créé de multiples dispositifs, jusqu’à introduire, concernant l’État, le « parcours d’EAC » dans la loi et dans le code de l’éducation en 2013. Le Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle a quant à lui élaboré une charte en dix points. Un référentiel commun, qui fait dorénavant consensus, prend en compte les trois dimensions indissociables de l’EAC : la rencontre avec des créateurs (ou des médiateurs) et leurs œuvres (voir) ; l’expérimentation d’une pratique artistique ou culturelle encadrée dans le cadre d’un partenariat artiste/enseignant (faire) ; enfin la mise en relation de l’œuvre avec des cultures et le développement d’un regard critique (interpréter).

Si les crédits en faveur de l’enseignement de la musique et de la danse ont fortement baissé ces dernières années, ceux destinés à l’EAC sont au contraire en augmentation

Le ministère de la Culture a annoncé un objectif extrêmement ambitieux de généralisation pour toucher 100 % des jeunes bénéficiaires à l’horizon 2022. Si les crédits de ce dernier en faveur de l’enseignement de la musique et de la danse (conservatoires) ont fortement baissé ces dernières années, ceux destinés à l’EAC sont au contraire en augmentation. Même si, quand on rapporte le montant de ces crédits par élève, on ne peut encore parler d’une véritable ambition qualitative (car l’intervention de professionnels de qualité a un coût), les progrès sont malgré tout réels. Pour autant, ils restent très partiels et inégaux selon les territoires. Par ailleurs, d’une façon générale, deux besoins ne sont pas pourvus : celui d’une structure coopérative qui coordonnerait et analyserait les expériences se fait cruellement ressentir, face à la dispersion des ressources, des données et des savoirs en ce domaine ; par ailleurs la formation des enseignants et les formations croisées (enseignants/artistes/médiateurs), intégrant l’expérimentation d’une pratique artistique, sont trop rares.

Lire aussi : Que peut apporter l'intercommunalité culturelle ?

Un remodelage face aux fusions de régions et de communes

Les collectivités, de leur côté, se sont investies de longue date, faisant souvent de l’éducation artistique et culturelle l’un des piliers de leur politique culturelle, en lien étroit avec des dispositifs de soutien au patrimoine, à la création et à la diffusion. Elles doivent aujourd’hui réexaminer la question dans un contexte de fort changement institutionnel : nouvelles régions, intercommunalités plus consistantes, fusions de communes, développement de métropoles, sans parler des avatars liés à la réforme des rythmes scolaires.

L’exemple d’Annecy
A Annecy, qui a fait l’objet d’une fusion de six communes urbaines, les « parcours culturels » historiques de la ville centre ont dû être remodelés à l’échelle de la commune nouvelle (283 classes concernées, de la dernière année de maternelle au CM2), avec une offre homogène de projets thématiques par école sur trois ans, de telle sorte qu’un élève appréhende au minimum trois disciplines différentes sur toute sa scolarité.

Dans les territoires prioritaires repérés (notamment dans les banlieues et en milieu rural), l’État, en relation bien souvent avec les départements, est venu accompagner par convention et de façon triennale, depuis 2015, des communautés de communes volontaires dans la construction de parcours d’actions artistiques et culturelles au plus près des habitants, et notamment des jeunes.

Des conventions multipartenariales à l’échelle des intercommunalités

Prenons l’exemple de l’Ardèche, ce département de 322 000 habitants doté dorénavant de 19 intercommunalités. Autant de bassins de vie ayant leur spécificité, plus urbaines le long de la vallée du Rhône et plus rurales ailleurs. Le conseil départemental s’est pleinement engagé à leurs côtés, « non par une démarche uniforme et descendante, mais en cherchant à révéler leur capacité à s’emparer des enjeux culturels », et « parce que ce sont les maillons forts de territoires de vie », explique Olivier Peverelli, vice-président du département en charge de la culture et du patrimoine.

La finalité est de généraliser progressivement les démarches d’accompagnement des intercommunalités par de nouvelles conventions et une gouvernance adaptée

Pour la période 2014-2017, des conventions expérimentales ont été passées avec quatre intercommunalités. Au vu des résultats très positifs (pour Bernard Noël, vice-président Culture d’Ardèche Rhône Coiron, ils dépassent même les objectifs fixés au départ), la finalité est bien de généraliser progressivement ces démarches d’accompagnement des intercommunalités en développant de nouvelles conventions, avec une gouvernance adaptée. Pour la période 2018-2022, les partenaires publics mobilisés sont dorénavant, outre l’intercommunalité : le département, la région, l’État (ministères de la Culture, de l’Éducation nationale, de la Cohésion des territoires, de la Justice et de l’Agriculture), ainsi que la CAF et le réseau Canopé.

La nécessité de coordonner et décloisonner

Cette échelle intercommunale permet d’envisager l’EAC de façon beaucoup plus décloisonnée dans l’espace et dans le temps, au-delà des dispositifs verticaux de chaque financeur : tout au long de l’année et en fonction des temps de vie, aussi bien au sein des établissements scolaires (écoles, collège, lycée) que dans une bibliothèque, une entreprise, un Epahd, un jardin ouvrier ou sur les berges du Rhône… Cette ouverture, qui est essentielle dans l’EAC, est aussi culturelle : « à une époque de repli communautaire, où l’on nous parle de construire des murs entre des pays et des peuples, elle permet de découvrir d’autres formes d’art et de culture », plaide Xavier Michelis, principal du collège du Teil jusqu’en 2017.

À une époque de repli communautaire, où l’on nous parle de construire des murs entre des pays et des peuples, l’EAC permet de découvrir d’autres formes d’art et de culture

La signature de ces conventions, construites sur mesure, n’est effective qu’après le recrutement d’un coordinateur territorial, qui conduit d’abord un diagnostic des ressources culturelles. « Mon rôle, explique Sandrine Martinet, qui exerce cette mission sur la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron, consiste à mettre en synergie les différents acteurs (non seulement de l’art et de la culture, mais aussi du monde de l’éducation, du sociomédical, de la jeunesse…), qui étaient parfois là depuis longtemps mais travaillaient les uns à côté des autres ». Et l’enjeu, pour Franck Brechon, coordinateur sur la communauté de communes du Pays de Beaume-Drobie, c’est que ces acteurs soient capables de prendre en compte les aspirations des habitants pour faire émerger un projet à partir de celles-ci.

Lire aussi : Culture : on ne peut plus attribuer mécaniquement des subventions

Une coopération sur le terrain qui donne sens aux projets

Des artistes, bénéficiaires dans ce cadre de résidences de création, témoignent de l’apport d’une présence artistique sur un territoire, non seulement pour les habitants mais aussi pour leur travail de création : « c’est vraiment une source d’inspiration que d’être aux côtés d’enfants, d’adolescents, de personnes âgées, qui viennent nourrir le travail chorégraphique de la compagnie », estime Olé Khamchanla, danseur et chorégraphe de la compagnie Kham. La coopération de ressources professionnelles implantées territorialement (compagnies, pôles artistiques, etc.) donne sens aux projets.

Des artistes, bénéficiaires dans ce cadre de résidences de création, témoignent de l’apport d’une présence artistique sur un territoire aussi pour leur travail de création

Au-delà de la mécanique de ces conventions (et de ses financements), les dynamiques de projets d’éducation artistique et culturelle portés par ces intercommunalités témoignent d’abord, quand volonté politique il y a, de la possibilité d’exercer « une responsabilité conjointe dans le respect des droits culturels », telle que l’énonce la loi Notre. Elles s’avèrent être un facteur de transformation de ces intercommunalités et les conduisent pour certaines à envisager maintenant d’étendre leur compétence culturelle, par exemple, en Ardèche, dans les domaines de l’enseignement de la musique et de la danse, de la lecture publique ou de l’accompagnement des acteurs culturels.

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